#Edito

Marche des fiertés : quand l’inclusivité devient un instrument de clivage

#Edito

Par Gaël Clouzard

Il y a des affiches qui rassemblent, d’autres qui divisent. Celle de la Marche des Fiertés 2025 appartient, tristement, à la seconde catégorie. Ce visuel — censé incarner l’esprit de la fête, de la diversité et de la liberté sexuelle — semble avoir oublié ce qui a fait la force du mouvement LGBT puis Q puis + : l’universalité d’un combat pour l’amour, l’égalité et la liberté des corps.

Derrière des choix graphiques ostensiblement provocateurs voir guerriers se cache un message qui trahit les fondements de la Pride tel qu’elle a été pensée. Un rassemblement festif et sexuel basé sur la révolution des mœurs. Pour résumer, c’est une fête qui célèbre et n’a pas vocation à revendiquer et mettre en scène une forme de "eux contre nous". Pour résumer c'est une fête qui est "pour" et "non" contre quelque chose…

 

 

Au lieu de fêter la pluralité des identités et la joie de s’affranchir des normes, l’affiche opte pour une posture militante, clivante, voire agressive comme la personne pendue et inconsciente. Elle convoque des figures et symboles qui ne font pas consensus au sein même des communautés LGBTQ+ tel que le conflit israelo-palestinien, et intègre dans sa narration des acteurs culturels qui, parfois, n'ont jamais porté ces combats comme les religieux representés par une femme voilée – voire les ont ouvertement critiqués et réprimés dans leur pays. Résultat : l’affiche, réalisée par l’artiste Tola Vart et qui se fait malmener sur Instagram, donne l’impression d’un entrisme politique grossier, où les luttes LGBTQ+ sont instrumentalisées pour des agendas idéologiques éloignés de la libération des mœurs et du droit à la différence. Cela rappelle la journée des droits de la femme 2025 ou encore la Techno Parade, des évènement phragocytés par le même type de militantisme qui préfère contraindre que convaincre. 

Cette récupération brouille les lignes. Elle transforme une fête de la liberté sexuelle en un manifeste identitaire, excluant une partie de ceux qui ne partagent pas cette radicalité. Et surtout, elle fait fuir les familles, les alliés, les curieux, et même certains membres de la communauté, qui ne se reconnaissent plus dans cette image belliqueuse d’un mouvement pourtant né pour rassembler. Cette fête pourrait perdre son élan populaire et finalement son statut de fête…

 

L’inclusivité se doit être joyeuse

Quand on exprime un avis critique, il est aussi bon de donner un contre-exemple : à rebours de cette tension, l’affiche du Family Festival de la Fondation Louis Vuitton propose un exemple apaisé, joyeux et universel d’inclusivité. Ici, pas de slogans ni de posture militante. Juste des formes douces, des personnages hybrides, naïfs, dans lesquels chacun et peu importe sa sensibilité — enfant ou adulte — peut se projeter. L’inclusivité s' exprime avec légèreté, comme une évidence : toutes les couleurs, toutes les formes, tous les genres ont leur place dans ce monde imaginaire et bienveillant. Certes le message est bien différent mais ce qui est intéressant c’est la représentation visuelle et artistique de l’inclusivité qui doit être prise à bras le corps par la population en proposant une image porteuse d’avenir et d’amour.

Cette comparaison n’a pas vocation à opposer deux visions, mais à rappeler une évidence : l’inclusivité ne se décrète pas à coups de provocations, ni de menaces et encore moins de violences. Elle se construit, pas à pas, par la création de nouveaux imaginaires dans lesquels chacun peut se sentir accueilli. Il est temps de retrouver le sens du collectif, du jeu et de la joie. Parce qu’une fête ne gagnera jamais les cœurs si elle commence par exclure.