On vit une époque formidable… Dans le boucan ambiant, il n’y a pas plus radical que la nuance… Oui cela pourrait paraître étrange mais c’est un fait. Tenter d’amener un discours ou les convictions ne l’emportent pas sur les faits relève d’un véritable chemin de croix.
Car aujourd’hui pour exister et paraître il faut cliver, il faut être brutal et surtout ne pas écouter l’autre. Ne pas laisser imaginer que l’on pourrait avoir un point commun avec l’autre. Ne plus voir l’autre comme un adversaire d’idées mais un ennemi d’opinions. Pour résumer, il faut écraser l’autre. Le convaincre n’a aucun intérêt…
Et le militantisme a une lourde part de responsabilité dans l’ambiance générale. Car être militant c’est abandonner son honnêteté intellectuelle au profit de sa cause. Ils épousent, et peu importe le clan qu’ils représentent, la philosophie de Hegel : c’est la dialectique qui mène le monde, le conflit perpétuel du négatif et du positif mais poussé à son extrême. La nature progresse de contradictions en contradictions, de la matière brute à la vie, et de l’animal jusqu’à l’homme. Pas de Dieu, pas d’esprit, la nature seule régie et écrase le plus faible… Et peu importe leurs idées, consciemment ou inconsciemment, ils reproduisent ce schéma…
L’objectif est désormais de jouer sur l’opinion et l’émotion et quelque soit le média. Le débat en France est devenu un divertissement tel un match de boxe. C’est de la téléréalité avec des adversaires, sûrs d’eux et sans états d’âme, sans la moindre trace de doute. La vérité n’a plus aucun intérêt. La nuance a toujours sa place dans le débat mais elle souffre. Car chacun est sommé de choisir son camp, de s’engager dans le pour ou le contre, de dégommer l’adversaire en l’assénant de ses certitudes. Oublié le compromis et la libre-pensée. Tu es avec nous ou contre nous… Ce que vous venez de lire n’est pas nouveau mais sa généralisation dans le débat public ne souffre, elle, d’aucune discussion. Alors oui, il faut sauver le soldat nuance et dès que possible…
Gaël Clouzard