#Edito

Les algorithmes des réseaux sociaux sont-ils notre plus grand péril ?

Et si on prenait comme point de bascule civilisationnelle la création des réseaux sociaux ? Le grand désordre que nous vivons actuellement entre passion et angoisse nous fait poser moult questions sur notre faculté à écouter l’autre… Ce n’est pas nouveau, mais ce message doit être martelé…

Les algorithmes des moteurs de recherche ou des services en ligne puisent dans l’immense flux de données des utilisateurs pour cerner leurs habitudes. De ce fait, chaque citoyen, à la fois consommateur et individu, se retrouve enfermé dans une bulle cognitive ou l’intégralité des informations qu’il va consommer lui sont proposées en fonction d’un profil défini par l’algorithme et qui ne permet aucune ouverture d’esprit. L’être est enfermé dans un schéma de pensées et réconforté dans ses certitudes ou la vérité devient une source tarie. 

Nous avons délégué notre curiosité et notre soif d’apprendre à l’algorithme. Nous ne cherchons plus à explorer. Or la sélection qu’il établit est loin d’être exhaustive et nous ne disposons pas d’un moyen de parcourir ou d’agréger, ni même d’avoir une idée de la diversité des informations qui sont réellement disponibles sur le Web. Résultats : nous sommes retenus dans une bulle de filtre…

 

Mais c’est quoi une bulle de filtre ?

On peut la qualifier de phénomène d’exposition à des contenus qui vont nous plaire ou qui vont confirmer ce que l’on pense déjà. On connaît la publicité ciblée, mais selon les mêmes mécanismes, on peut aussi être exposé à de l’information ciblée. Le renforcement de nos convictions, qu'elles soient justes ou non, devient l’Alpha et l’Omega de grandes compagnies numériques. Leur motivation est claire, définir un profil pour chaque usager et les assigner à leurs croyances, leurs sensibilités politiques, leurs cultures et leurs modes de consommation. C’est un modèle économique rodé et rudement efficace. Le problème est que son efficacité a une double face. D’un côté l’industrie de la tech avec les GAFAM en tête de gondole se gave de nos vies, mais de l’autre, elles nous enferment dans cette bulle qui est en train de faire exploser le vivre ensemble qu’il soit national, régional ou global. 

Et tous les débats de sociétés sont affectés par ce péril. Qu’il soit géopolitique, sociétal ou écologique, le fait de cliver les individus en les empêchant de découvrir l’autre nous enferme dans une défiance permanente de ses semblables. 

 

L’homophilie augmentée

Un autre point intéressant à soulever est l’homophilie ou la tendance des individus à s’associer à leurs semblables. Ce comportement n’est pas propre à Internet, mais il a explosé avec sa création. Et les réseaux sociaux amplifient ce phénomène en lui donnant un écho surdimensionné, en nous encourageant à rejoindre des groupes proches de nos intérêts ou à ajouter des amis d’amis, etc.

Le résultat est que nous nous retrouvons exposés à une seule perspective sur un problème donné, qui vient renforcer ou rendre extrêmes nos opinions puis façonner notre vision du monde. C’est là que nos biais cognitifs entrent en jeu ! A force de toujours voir les mêmes informations, nous finissons par croire qu’elles sont correctes. Au final, on ne vit plus avec l’autre, mais face à l’autre. Le constat est établi depuis une bonne décennie, donc rien de nouveau sous le soleil. Le problème est qu’aucune solution politique ne se dessine à l’horizon malgré ce phénomène qui augmente et une situation mondiale qui périclite.  

 

Il va donc falloir lutter avec ce qui existe déjà : 

  • Rétablir la confiance dans les médias traditionnels
  • Renforcer l’enseignement des méthodes scientifiques et numériques
  • Instruire les plus jeunes à construire et activer une pensée logique et analytique
  • Questionner le business model des réseaux sociaux
  • Mettre en place un plan d’éducation aux usages et comportements des internautes

Le constat est amer, mais ne jamais oublier que l’humanité est programmée pour apprendre de ses erreurs et qu’elle saura surtout se réconcilier avec la réalité pour mieux l’embrasser. Il va juste falloir qu’elle se magne un peu parce que ça urge !

 

Écrit par

Par Gaël Clouzard