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Ville et canicule : chouette c’est la rentrée 2025 ! Mais va falloir penser à l’été 2026…

Ville et canicule : chouette c’est la rentrée 2025 ! Mais va falloir penser à l’été 2026…

Le réchauffement climatique n’aura pas épargné 2025. Les vagues de chaleur s’annoncent plus longues et plus intenses chaque année. Face à ce défi, il serait tentant de tout miser sur la technologie moderne, climatisation en tête. Pourtant, depuis des siècles, les sociétés humaines savent protéger leurs habitations du chaud et du froid grâce à des solutions simples, souples, et sans consommation d’énergie. Loin de remplacer nos outils actuels, ces gestes peuvent les compléter, réduire leur intensité d’usage, et surtout rendre nos habitats plus résilients. Mais toutes ces solutions se pensent et se préparent dès maintenant. Et nous avons bien dit dès maintenant !

Par Gaël Clouzard

ODD N°11 : Villes et communautés durables

 

Cela n’est pas forcément évident dans notre société contemporaine mais le textile est une seconde peau pour les habitations. Jusqu’au XIXᵉ siècle, le textile jouait un rôle central dans l’architecture domestique. En hiver, on « habillait » les murs, les fenêtres et les portes avec des tapisseries, rideaux épais ou portières. En été, on les « déshabillait », laissant circuler l’air et la fraîcheur des matériaux. Cette adaptabilité saisonnière permettait de réguler naturellement la température intérieure.

Des recherches récentes montrent qu’un simple rideau en laine de quelques centimètres d’épaisseur pouvait offrir une isolation équivalente à celle d’un double vitrage. Dans la logique inverse, de grands voiles légers suspendus au-dessus des cours ou des rues pouvaient atténuer la chaleur en créant des zones d’ombre efficaces. Ces pratiques, à la fois domestiques et collectives, démontrent que l’habitat peut être pensé comme un organisme vivant, qui s’habille et se déshabille selon les besoins. Pour résumer il est de penser une écologie qui protège et non une écologie de confort.

 

Complémentarité plutôt que remplacement

Il ne s’agit pas de nier l’apport de la technologie moderne, mais de rappeler que des gestes anciens peuvent en être le soutien. Une maison équipée d’une climatisation consommera bien moins d’énergie si elle est déjà protégée par des rideaux lourds en hiver, ou par des toiles extérieures en été. La question n’est pas de choisir entre low-tech et high-tech, mais de mixer les deux. Comme une garde-robe adaptée aux saisons complète le chauffage ou la climatisation du corps, l’habillage textile de nos maisons peut prolonger la performance des dispositifs techniques.


Tableau “ Le Bazar aux Tapis “ de William James Muller, 1843

 

Quand la rue devient maison

L’usage des textiles ne se limitait pas aux intérieurs. Dans de nombreuses villes méditerranéennes, on protège encore aujourd’hui les rues avec de larges toiles tendues d’une façade à l’autre, appelées toldos. Ces installations, simples mais redoutablement efficaces, réduisent la température de l’air de plusieurs degrés et évitent que les murs et les pavés ne stockent trop de chaleur. Elles transforment l’espace public en une extension de l’habitat, plus vivable en plein été.

L’exemple inspirant des grand-mères espagnoles

En Espagne, à Malaga, certaines initiatives citoyennes redonnent vie à ces savoir-faire. Dans des villages andalous, des groupes de grand-mères se rassemblent pour crocheter d’immenses nappes colorées, constituées de morceaux de tissus récupérés. Une fois assemblées, ces nappes couvrent les rues principales et apportent de l’ombre à toute la communauté.

Au-delà de l’efficacité climatique — plusieurs degrés de moins dans la rue — ces nappes ont une valeur symbolique et sociale forte. Elles créent du lien intergénérationnel, mobilisent un savoir-faire artisanal, et transforment un acte de protection contre la chaleur en moment de convivialité. Les nappes deviennent aussi une œuvre collective, colorée et festive, qui habille le village de manière unique chaque été. On ne parle plus seulement de réduire la température, mais aussi de renforcer la cohésion et l’identité d’une communauté. Dans un autre registre, le projet « Rafraîchissement urbain – îlot de fraîcheur » ( FREIO) à Arles envisage une approche qui s’étend sur la toute la ville : préserver le patrimoine tout en décongestionnant la chaleur. L’agence Freio spécialisée sur le design climatique  identifie les zones les plus exposées, désimperméabilise, réouvre le canal de Craponne — pour générer une brise rafraîchissante — et exploite la fraîcheur des soupiraux et des matériaux urbains. Une stratégie douce, naturelle et collective qui soutient la ville et ses habitants pour la protection de leur patrimoine. 

 

Voir vidéo de réalisation de canopées (Instagram).

 

Vers une écologie de protection

Ces gestes nous rappellent que l’écologie n’est pas seulement affaire de technologie de pointe et encore moins d’idéologie, mais aussi de bon sens, de mémoire et de coopération. Préparer l’été 2026, ce n’est pas seulement investir dans des climatiseurs plus performants : c’est aussi réapprendre à habiller et déshabiller nos maisons, à tendre des voiles dans nos rues, à partager des solutions collectives. Et ainsi repenser la ville.

Une écologie qui protège n’exclut pas le confort moderne ; elle l’accompagne, le soulage, et le rend accessible à davantage de personnes. Elle repose moins sur la consommation d’énergie que sur l’intelligence d’usage, l’entraide et la créativité. C’est ça le progrès !

Les vagues de chaleur qui s’annoncent ne seront pas des accidents passagers, mais une nouvelle normalité. Pour y faire face, nous avons tout intérêt à combiner le meilleur de nos technologies actuelles avec des savoir-faire ancestraux. Habiller et déshabiller nos maisons, comme le faisaient nos aïeux, ou tendre des toiles colorées au-dessus des rues, comme le font aujourd’hui encore des grand-mères espagnoles, ce n’est pas un retour en arrière : c’est une façon d’entrer dans l’avenir mieux préparés, ensemble. Qui dit mieux ?