Il parait que l’eau ça mouille et que le feu, ça brûle. Absolument ! Il parait aussi que la paix, c’est mieux que la guerre et l’amour plus chouette que la haine. Et pourtant. Il parait aussi que Dame Nature est tellement belle qu’il faut la respecter, et le Vivant tellement fascinant et touchant qu’il faut le protéger. Et pourtant. Il parait aussi que la racisme c’est nul et la discrimination pas cool du tout. Et pourtant. Et oui, et pourtant. Et pourtant, il ne faut jamais arrêter de mettre l’Homme face à ses dichotomies pour espérer le faire changer. C’est le rôle de l’art. Et c’est celui que s’est assigné le photographe Djay Platel. Goodd l’a rencontré pour comprendre son engagement au travers de son art et les réactions qu’il génère…
Par Benjamin Adler
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La question hante tous les artistes et écologistes engagés : qu’est-ce qui ne va donc pas chez nous, Homo Sapiens aussi créateur que destructeur, aussi génial que diabolique, aussi altruiste qu’égoïste, aussi arrogant que humble. La réponse, chacun possède un peu la sienne et la revendique comme vérité. Et pourtant, qui sait vraiment ? Et puisque l’ignorance ne doit pas être la censure des bonnes intentions, les messagers de l’interpellation par le nouveau récit, continuent heureusement de jouer leur rôle de procureur des paradoxes.
Le photographe Djay Platel le fait avec un humanisme si tendre qu’il en paraitrait presque naïveté. Face au cynisme, la candeur est une force et c’est clairement celle de l’exposition animée, lui parle d’expérience, donnée dans les locaux de Live Nation France. Un projet 3 en 1 inédit qui par une série de portraitsen noir et blanc, place l’Homme face à ses biais sur 3 enjeux majeurs de ses disfonctionnements de tolérance : le « Projet noir » sur l'amour des autres, en réponse à la haine générée par les fantasmes et amalgames autour du mouvement Black Lives Matter ; « L’invincible dans l’invisible », qui met en lumière les 80% d’handicaps invisibles et la lutte contre ses préjugés ; « La dépression, c’est ce que nous avons de plus intime », qui propose elle une réflexion en images pour toucher du doigt la complexité de cette maladie là aussi invisible.
Puisqu’il paraît que l’art peut changer le monde, Goodd a pris le temps de regarder, d’écouter et de questionner.
goodd : Djay, les sujets que vous évoquez sont assez démocratisés aujourd’hui. Nous avons malheureusement appris que mentionner n’est pas écouter. Lorsque nous recevons un message d’alerte d’un activiste écologiste, on se dit « mais évidemment » et les bonnes intentions immédiates s’empilent. Il en va de même sur les sujets que vous traitez. Pourtant, une fois sortie de cette capsule artistique qui procure des émotions car elle ramène à nous des évidences humaines, la réalité est que le passage à l’action lui est faible. Quel est votre regard sur la capacité de l’art de passer du rôle de sensibilisateur à l’instant T à celui de levier d’action ?
Djay Platel : j'ai pu exposer les photos dans des entreprises où les gens ne s'attendaient absolument pas à affronter des sujets comme le handicap ou le racisme. Ce fut le cas par exemple dans un magasin de vêtements. Tu n’y vas pas pour te retrouver face à mes photos. Forcément ça peut déranger mais au final, ça permet de toucher plus de gens dans un contexte a priori défavorable.
Démocratiser, c’est rendre accessible. Et rendre accessible c’est utiliser les canaux d’information et de communication pour prendre le temps d’échanger et de comprendre ceux qui vivent ces sujets au quotidien. La clef c’est le partage.
goodd : à force d’engagements, on peut finir par s’oublier. Pourtant prendre soin de soi est le prérequis de la réussite de son combat. Est-ce le message que vous avez voulu faire passer ?
Djay Platel : notre société ne permet pas de vivre les choses en prenant le temps, tout se fait vite et passe vite. Avec le projet sur la dépression je dis aux gens « prenez soin de vous, soyez à l’écoute de vous-même et des autres ». Prendre le temps de demander « comment vas-tu » et d’écouter activement la réponse est crucial.
Sinon l’attention est juste une formule de politesse. Prendre le temps laisse l’opportunité de déclencher un échange par la confession initiale, intime ou pas. Mon souhait est de déclencher une épidémie de l’amour où l’attention à l’autre serait un virus qui se répand.
goodd : comment l’art peut permettre une bascule culturelle pérenne et profonde, pour qu’au final dans 5 ans nous n’ayons plus besoin de vos expositions ?
Djay Platel : il faut interroger le choix fait sur les personnes invitées sur les chaînes TV ou dans les médias. Et surtout la capacité en face à vraiment écouter en se mettant à la place de l’autre. Sans cela, il sera compliqué d’ancrer plus rapidement dans le quotidien de tout le monde les enjeux et conséquences du racisme, du handicap, de la santé mentale. Nous ne sommes pas assez éduqués en général sur ces sujets, surtout les jeunes. Donc il faut commencer tôt et ne jamais cesser d’en parler, encore et encore. Il va falloir rendre ces choses-là visibles.
Il y a encore de l’espoir, il faut continuer de se battre. Les personnes venues ici ce soir vivre l’expérience, ne ressortent pas pareils. Je ne parle pas de moi mais du vécu de celles et ceux que je mets en scène. Il y a des larmes, des émotions dans le ressenti, et c’est peut-être cela qui peut vraiment faire changer les choses.
Benjamin Adler
© visuel de Une : WendyDBS