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Réchauffement climatique : et si les microbes étaient l’allié indispensable pour nous sortir de la mouise ?

Au même titre que les planctons, les microbes ont un rôle majeur à jouer dans l’atténuation du réchauffement climatique. Pourtant mésestimés, leur rôle est crucial. Goodd publie une partie du manifeste « Gloire aux microbes » pensé et rédigé par La biologiste et co-fondatrice de l’entreprise de biotechnologie PILI Marie-Sarah Adenis. 

 

Par Marie-Sarah Adenis Directrice artistique, biologiste et co-fondatrice de PILI

ODD N° 12 : production et consommation responsable

ODD N°15 : vie terrestre


 

Ils étaient là avant nous et seront là après nous. On ne les voit pas mais ils sont partout.

On ne le sait pas mais on leur doit tout. Ces soldats inconnus ne sont autres que les microbes. Bactéries, virus, champignons unicellulaires et autres « petites vies » sont réputées donner la mort. Pourtant, ce sont de grandes alliées, des entités terrestres ancestrales qui nous ont offert le secret de l’énergie, les arcanes de l’auto-défense ou encore la solution de la digestion.

C’est en arpentant ce microcosme qui a tant contribué à l’évolution et à la vie sur Terre que des brèches s’ouvriront dans nos imaginaires pour nous aider à mieux penser ce qui vient.

 

Quand on parle de biodiversité, on pense aux abeilles, aux baleines, aux ours polaires et aux hirondelles, mais les microbes ne sont que très rarement mentionnés.

 

Le coming-out des microbes

Qu’on parle de la crise écologique ou de celle des vivants, les microbes ne sont que très rarement évoqués. Leur rôle est pourtant capital. Invisibles, les micro-organismes n’en déterminent pas moins dans les grandes lignes ce qui advient de tous les êtres vivants et des cycles de la matière. À tous les niveaux, ils font et défont la trame du vivant. Les microbes régulent les écosystèmes, modulent les flux de carbone et d’azote, produisent la moitié de l’oxygène disponible, font des symbioses avec tous les êtres vivants, protègent des microbes pathogènes, facilitent l’absorption des nutriments, instruisent le système immunitaire et régulent quantité de paramètres physiologiques. 

 

Il n’y a pas d’être vivant qui puisse se passer de son cortège de microbes car ces derniers ont fait des pactes intimes et irrévocables avec chaque espèce. Dans les intestins, sur les feuilles et les appendices, dans la bouche et sur les ailes, dans les pistils et entre les doigts de pieds, sur les écailles et à la base des poils, sur l’abdomen et dans les nodules, dans les yeux et le sexe, les microbes se sont accommodés de toutes les excentricités du vivant. Quelle que soit l’échelle à laquelle on se place, les microbes sont à l’œuvre. Nos cellules sont même habitées par le lointain souvenir d’une symbiose avec une bactérie qui nous a offert le secret de la fabrication de l’énergie.

 

Pour autant, y a-t-il une forme de vie plus méprisée que les microbes ? Au sein même de notre langue se logent des milliards de microbes et un malentendu. Car le moment où nous les avons découverts a coïncidé avec la compréhension que certaines maladies leur étaient dues. Nous les avons baptisés d’un nom qui portait dès le début les germes d’une détestation faite pour durer. Le mot microbe signifie littéralement « petite vie » (du grec mikros « petit », et bios « vie ») et n’est donc pas teinté de mépris en soi mais son usage l’a fait dériver vers une connotation négative.

 

Je le préfère au terme plus neutre de micro-organisme, qui veut strictement dire la même chose, les préjugés négatifs en moins : faire entendre le mot microbe, c’est regarder nos a priori en face pour tenter de s’en déprendre, et assumer qu’il persiste un malentendu qu’il s’agit de dénouer dans les imaginaires collectifs.


 

Parlementer avec l’invisible

Ils ont été de tous les combats et seront, une fois encore, une des clés des équilibres planétaires. L’impact des grands bouleversements passera par le prisme des microbes qui représentent l’immense majorité des formes de vie sur Terre, tant par le nombre d’individus que par leur diversité. De la survie des microbes dépend en grande partie le salut de tous les autres vivants. Quand on parle de biodiversité, on pense aux abeilles, aux baleines, aux ours polaires et aux hirondelles, mais les microbes ne sont que très rarement mentionnés. Ils ne trônent pas non plus en poster dans les chambres des enfants.

 

Sans vouloir faire de l’ombre aux autres créatures, les microbes ont pourtant largement de quoi faire rêver si on parvient à changer notre regard et à contempler l’incroyable royaume qu’ils habitent. Par leurs pouvoirs quasi-magiques, leur mystère et parce qu’ils résident dans l’invisible, ils invitent à la rêverie et excitent l’imagination. Il ne s’agit pas de concurrence victimaire avec les ours blancs mais au contraire de solidarité organique au sens littéral. Ce n’est pas l’un ou l’autre, mais l’un et l’autre.


Les microbes ne peuvent plus être tenus à l’écart des réflexions sur la crise que connaît le vivant car ils sont indispensables à chacune des vies que l’on voit s’éteindre. Lorsque le cortège microbien d’un individu se dégrade, il met en péril l’existence du super-organisme où il exerçait ses pouvoirs. C’est le cas des abeilles, chez qui le glyphosate altère en premier lieu le microbiote intestinal qui ne peut plus dès lors les protéger contre les invasions ultérieures de pathogènes. Nous en faisons nous-même les frais lorsqu’un traitement antibiotique, qui anéantit une partie de notre microbiote, nous expose par la suite à des infections. Ils doivent donc eux aussi pouvoir s’inviter à la table des négociations. Non pas qu’ils soient en danger, ils n’ont d’ailleurs aucunement besoin de nous. Mais nous avons besoin d’eux. De leurs savoir-faire et de leur grande dextérité.

`Retrouvez la suite du manifeste Gloire aux microbes ci-dessous !


 

Écrit par

Par Marie-Sarah Adenis Directrice artistique, biologiste et co-fondatrice de PILI

© Visuel : Astrid Bachoux / œuvre sérigraphique La catastrophe de l’oxygène. Projet artistique composé de microbes à retrouver ici