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Habitation : « Nous ne vivons pas en autonomie, nous vivons en autonomie d’un système énergétique »

Vivre dans un habitat autonome, ce n’est pas seulement fanfaronner sur l’absence de factures d’électricité et d’eau, n’en déplaise aux médias TV friands de sujets sur les délestés de la douloureuse énergétique. C’est aussi et surtout adopter les principes écologiques qui portent le nouveau récit des habitations de demain. Explications pour Goodd avec la présidente de Zéro Déchet Dordogne et conférencière Pauline Massart, qui a construit un Earthship.

 

Par Eric Espinosa

 

ODD N° 6 : eau propre et assainissement

          N°7 : Énergie propre et abordable

          N°12 : consommation et production responsable




 

Goodd : pourquoi et comment le Earthship permet un nouveau rapport aux ressources naturelles, donc à la nature, qui à vous lire* constitue une de ses principales vertus ?

 

Pauline Massart : dans une maison traditionnelle, on n’est pas connecté à nos ressources, on sait légèrement de quoi est composé le parc énergétique français mais cela ne va pas plus loin. Il y a selon moi deux dimensions à prendre en compte dans le rapport aux ressources. Il y a d’abord les aspects techniques : les infrastructures qui produisent l’électricité, les câbles, la distribution, le transport de gaz, le réseau d’eau et son traitement… Il y aussi la dimension politique : les choix d’investissements, les coûts, les accords d’échanges internationaux… 

 

Le pouvoir de décision du citoyen est très faible. Il peut essayer de réduire ses dépenses et ses besoins à son échelle, mais il ne peut pas faire grand-chose d’autre. Dans un Earthship, nos ressources sont directement liées aux ressources naturelles : le soleil pour l’électricité, le chauffage et l’eau chaude, et la pluie pour l’eau. Nous sommes donc directement dépendants de ces ressources pour notre confort et devons gérer nous-mêmes leur utilisation. 

 

Ce changement de prisme peut paraître effrayant à première vue mais dans les faits, en étant en contrôle direct de ses ressources, nous créons de nouvelles habitudes et devenons réellement libres, résilients et en sécurité face à un système destructeur et en tension.


 

Goodd : si la nature n'est qu'interdépendance, comment un habitat qui reconnecte l'Homme avec elle peut-il être « autonome » et donc forcément indépendant ? 

 

P.M : c’est vrai qu’on parle d’un habitat autonome mais il manque la fin de la phrase. Nous ne vivons pas en autonomie, nous vivons en autonomie d’un système énergétique qui produit de l’énergie à grande échelle au prix de la surexploitation des ressources naturelles. 

 

Dans un habitat « autonome », nous vivons en dépendance directe des ressources naturelles, comme chaque autre être vivant sur cette planète, et c’est d’ailleurs cela qui permet le développement de la vie sur Terre. Cette relation est plus directe, plus efficace et plus sobre que dans un système global.



 

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Goodd : pourquoi placer la redéfinition du confort au cœur de la narration de l'habitat autonome ?

 

P.M : dans nos sociétés dites « développées », on a délégué la production de nos biens, de notre énergie et de notre alimentation. Nous n’avons plus de contact direct avec tout cela et ne considérons donc pas les conséquences de notre mode de vie puisqu’elles ne nous affectent pas directement. Mais nous sommes tellement habitués au confort que nous ne questionnons même pas ce qui est réellement nécessaire et confortable.

 

L’humain, par nature va toujours chercher le confort maximum, c’est dans notre ADN de survie. Le problème dans notre fonctionnement consumériste, c’est que nous avons une illusion de l’infini des ressources, de l’énergie donc aucune raison de s’arrêter de consommer, voyager, manger au-delà de notre faim etc… 

 

En vivant dans un habitat avec des ressources limitées, on est en lien direct avec notre production. On doit donc redéfinir nos besoins et nos modes de vie pour continuer à vivre avec un maximum de confort tout en étant dépendant et de fait limité par ce qui nous est offert chaque jour. Pas de place donc pour le gaspillage ou pour des utilisations futiles. C’est nous qui nous adaptons aux ressources et non l’inverse. Mais notre réel confort, c’est d’être en sécurité énergétique sans aucune facture à payer et en contrôle de notre bien-être.


 

Goodd : comment le Earthship peut aider à repenser l'habitat de demain, en intégrant forcément la problématique de sa capacité à être urbain ?

 

P.M : dans un Earthship, il y a 6 principes de fonctionnement basés sur les besoins humains et la maximisation des ressources de la nature : chauffage et rafraîchissement sans énergie fossile, récolte d’eau de pluie, production d’électricité, production de nourriture, traitement des eaux usées , matériaux de construction recyclés. Ces principes de base ne sont ni technologiques, ni révolutionnaires, ni complexes. Ils devraient et peuvent être adaptés, totalement ou en partie à la majorité des habitats. À tout cela, on ajoute un changement de prisme de la sobriété de nos comportements, pas dans le renoncement au confort mais dans l’adaptabilité de nos comportements face aux ressources. 

 

On peut aussi réfléchir à l’importance d’adapter les infrastructures publiques et partagées, pas seulement l’habitat individuel. Les principes d’un Earthship peuvent très bien s’appliquer à des bâtiments comme des crèches, des écoles, des mairies, des MJC, des salles des fêtes, pour collectivement changer nos comportements et vivre plus en harmonie avec les ressources qui nous sont offertes.

 

Écrit par

Par Eric Espinosa

 

* Découvrez l’histoire du chantier inédit en Europe et de la vie dans un Earthship dans le livre « La Maison Magique » publié aux Éditions Massot
 

L’info en plus : Pauline Massart propose des visites commentées de sa maison aux entreprises et aux écoles.

Elle sera à la Maison KissKissBankBank à Paris (10e), le jeudi 8 février 2024 à 18h.

www.earthshipbiras.fr