En l’espace de deux ans, l’intelligence artificielle a transformé nos sociétés. Elle rédige, recherche, calcule, classe, génère des images et apprend à une vitesse vertigineuse. Certains y voient une révolution bénéfique, d’autres une menace pour l’autonomie humaine. La question n’est plus de savoir si l’IA va cohabiter avec l’intelligence humaine (IH), mais comment. Car l’enjeu central est de bâtir une relation équilibrée, où l’humain ne deviendrait ni dépendant ni inférieur, mais resterait acteur de son destin. goodd vous amène des solutions…
Par Florence Berthier
ODD N°8 : Travail décent et croissance économique
Désormais nous avons deux intelligences, deux forces distinctes. L’IA excelle dans le traitement de masses de données et la reconnaissance de schémas invisibles à l’œil humain. Elle calcule avec rigueur, sans fatigue ni distraction sans pour autant être parfaite. À l’opposé, l’intelligence humaine s’appuie sur l’intuition, la créativité et la capacité à relier des idées éloignées. Comme le résume le philosophe Daniel Innerarity, « l’IA est performante dans ce qui est mesurable, mais l’humain reste irremplaçable dans ce qui est incertain ». Cette complémentarité est précieuse : l’IA offre une puissance d’analyse, l’humain en extrait du sens. Ensemble, elles démultiplient la capacité à comprendre et agir.
Les promesses d’une alliance
Dans l’éducation, l’IA peut personnaliser les parcours d’apprentissage et aider les enseignants à suivre la progression des élèves. Dans la santé, elle assiste déjà les médecins pour détecter précocement des maladies grâce à l’imagerie. Dans la création, elle devient un outil de stimulation, capable de générer des esquisses que l’artiste choisit ou détourne. Comme le dit Yann LeCun, pionnier de l’apprentissage profond et le directeur scientifique IA chez Meta : « L’IA ne remplacera pas les humains, mais elle leur permettra d’atteindre des objectifs impossibles seuls. » Comme en 2020, l’IA AlphaFold (DeepMind) a résolu le problème du repliement des protéines, un casse-tête que les chercheurs essayaient de comprendre depuis 50 ans. Sans cette capacité de calcul et de modélisation, il aurait fallu des décennies supplémentaires.
Les risques d’un déséquilibre
Mais ces promesses s’accompagnent de dangers. L’IA peut enfermer l’humain dans une dépendance technologique : pourquoi apprendre à écrire si un algorithme le fait mieux et plus vite ? Pourquoi exercer son esprit critique si une machine nous donne des réponses toutes faites ?
La chercheuse Shoshana Zuboff met en garde contre « une dépossession de l’expérience humaine au profit d’outils opaques, contrôlés par quelques acteurs ». Les biais contenus dans les données peuvent aussi produire des décisions discriminantes, tout en donnant une illusion de neutralité. Dans ces cas, l’humain perd non seulement la main, mais aussi sa capacité à se perfectionner.
Vers une cohabitation responsable
Pour éviter ce basculement, trois principes apparaissent essentiels :
- La transparence : comprendre comment l’IA produit ses résultats, afin de ne pas se laisser aveugler par l’autorité de la machine.
- La responsabilité humaine : l’IA peut recommander, mais la décision doit rester une prérogative humaine, car elle implique éthique et valeurs.
- La culture de l’apprentissage : l’IA ne doit pas remplacer nos facultés cognitives, mais les stimuler. Un médecin ne doit pas « obéir » à une IA de diagnostic, mais dialoguer avec elle pour progresser dans sa pratique.
Une intelligence partagée, mais exigeante
Le futur ne sera pas un combat de suprématie entre deux intelligences, mais une négociation permanente. L’humain doit accepter de se confronter à une machine parfois plus rapide ou plus précise que lui, sans renoncer à ce qui le rend unique : sa créativité, sa subjectivité, sa capacité à apprendre de l’échec. Comme le souligne le neuroscientifique Antonio Damasio : « Les émotions et la conscience sont les terrains où les machines n’ont pas accès. C’est là que se trouve notre avantage irréductible. » En somme, l’intelligence artificielle peut devenir un formidable levier, mais seulement si nous la considérons comme un partenaire exigeant plutôt qu’une béquille confortable. Elle nous oblige à redéfinir ce que signifie apprendre, décider et créer.
L’avenir de l’IA et de l’IH n’est ni celui d’une fusion totale ni d’une domination. C’est celui d’une symbiose vigilante : les machines pour amplifier, l’humain pour orienter. Optimistes ou critiques, les experts s’accordent sur un point : l’équilibre ne se décrète pas, il se cultive. Et c’est peut-être là la plus grande leçon de cette rencontre entre deux intelligences : apprendre à rester humain dans un monde où l’intelligence se démultiplie sous des formes nouvelles.