#Créativité

Par Florence Berthier

ODD N° 13 Mesures relatives à la lutte contre le changements climatiques

Quand on vous propose de participer au jeu de société, La Balance Carbone, on n’imagine pas d’emblée une partie de pur divertissement. Tant son intitulé annonce un sujet sérieux sinon austère : le changement climatique et toute sa cohorte de questions et d’objectifs nécessaires mais parfois écrasants à atteindre pour assurer aux habitants de la planète un avenir préservé. Et pourtant ce n’est que du plaisir ! Du plaisir instructif. Mais du plaisir !

Tout d’abord, ce très bel objet en 3D avec son imposante balance, ses poids et ses cartes. Ensuite, parce que tout en suscitant des interactions de manière ludique autour d’un tel enjeu majeur et préoccupant, il déclenche des réflexions et des actions collectives et individuelles tangibles… qui plus est à la portée de tous au sein des entreprises. Ce qui a pour autre effet de mettre de l’optimisme au cœur de la partie. Et ça, c’est une gageure ! Tant et si bien que La Balance Carbone se taille un succès grandissant depuis son lancement en janvier 2023, comptant déjà plusieurs centaines de participants. 

Aux manettes de cet atelier de sensibilisation instructif, (ré)créatif et très design ? Un jeune trio de designers objet, cofondateurs de Studio Enjeux : Marie Danet, Laura Thulièvre et Cyprien de Hautecloque, également son porte-parole.   

Goodd : il vous a fallu plus de 3 ans pour concevoir ce jeu et envisager une centaine d’intitulés avant de finaliser La Balance Carbone. Pourquoi ?   

Cyprien de Hauteclocque : tous nos projets tournent autour d’outils ou d’ateliers ludiques et pédagogiques pour délivrer un message ou une interaction tangible. Toutefois, les sujets sont sérieux et on s’adresse à un public de professionnels terrain ou décideurs, donc à chaque fois, nous ne laissons rien de côté. 

Alors pour que La Balance Carbone séduise, suscite discussion, interaction et créativité chez les joueurs, il fallait qu’il soit facile, collectif, fluide et dynamique. D’où la partie jouée en une heure. Il fallait aussi qu’il soit beau, plaisant et intriguant visuellement d’où sa balance imposante et ses poids. Il fallait également qu’il puisse évoluer avec le temps, les recherches et les publications des experts en la matière, d’où les fiches modifiables et pratiques avec des pistes collectives et individuelles. Enfin, il devait intéresser et valoriser tous les publics de l’entreprise et ses filiales internationales quand il y en a, d’où les versions française et anglaise.

Goodd : en quoi est-ce que ce jeu mobilise les joueurs et apporte sa contribution aux prises de conscience et à l’envie d’agir ? 

Cyprien de Hauteclocque : parce qu’il est simple, concret et didactique. Parce que son intention n’est pas d’être une Cassandre supplémentaire mais de dédramatiser, de remettre chez chacun un sentiment de liberté et une vision positive. Il va se passer quelque chose d’enrichissant pendant la partie, il n’y aura pas forcément consensus et plusieurs solutions pourront émerger. Ainsi il va inciter à se mobiliser personnellement et à s’engager dans son école, son entreprise, son association, sa fédération… 

Tout d’abord, grâce à la balance et aux poids, il aide à mieux appréhender les ordres de grandeur comme par exemple, que signifie 2 tonnes de CO2 par habitant ou l’impact du streaming vidéo versus l’automobile. Ensuite, il permet à chacun de se projeter sur le moyen/long terme et de visualiser concrètement le monde si on respecte les objectifs climatiques décidés pour les 30 prochaines années, grâce à une grille de lecture qui se base sur la vie des participants et de leurs usages quotidiens. Enfin, il permet des discussions autour de sujets comme la rénovation thermique ou la consommation de viande blanche versus rouge, avec des solutions à la clé.  

Goodd : il compte déjà plusieurs centaines d’aficionados avec des retours enjoués et positifs. Avez-vous noté une évolution des mentalités ? Comment expliquez-vous ce succès ? 

Cyprien de Hauteclocque : difficile de mesurer l’évolution des mentalités au bout d’une heure de jeu. Mais pour les directions RSE et comités d’entreprise, il est constructif à bien des égards car c’est un jeu de sensibilisation sans injonction qui permet par exemple d’introduire ou d’illustrer plus légèrement « Une Journée RSE ». En étant tout public -du Comex à l’équipe opérationnelle, du groupe international aux petits commerces- il permet de développer une activité à valeur ajoutée autour de l’approche environnementale. Et tout en offrant une séance de teambuilding, il participe à la cohésion des équipes. 

Très bénéfique aussi côté participants qui sont d’abord surpris car le jeu leur propose de s’ouvrir à des possibilités insoupçonnées en termes d’informations, de formation et d’actions. Nous avons, en effet, recensé de multiples solutions et alternatives qu’ils peuvent intégrer et s’approprier. Aucun sujet n’est épargné de la permaculture, aux trains de nuit, aux conventions citoyennes, au covoiturage, à la consommation, à l’alimentaire, au local, au poids des voitures, à la réparation/rénovation, à la classe énergétique des appareils… Ils sont ainsi remis au centre du sujet RSE et découvrent qu’ils sont chacun un maillon en étant sensibilisés à leurs propres empreinte et marge de manœuvre. C’est très valorisant et dynamisant. 

Atelier Balance Carbone avec les équipes de l’Hippopotamus du Val d’Europe

Goodd : la gamification est donc un levier majeur pour toucher les entreprises et les individus ? 

Cyprien de Hauteclocque : le jeu est de plus en plus présent dans les milieux professionnels et de formation, quels qu’ils soient. Et aujourd’hui, pour une entreprise, quelle que soit sa taille et ses moyens, s’intéresser à l’écologie, l’environnement, le climat, n’est pas un luxe. Et à l’interne, elle ne peut se passer de personne. Notre jeu en donnant des clés et des leviers d’action fait gagner en maturité et pousse à sortir de l’inertie. Car il démontre qu’avec les progrès et des produits de meilleure qualité, il est plus facile qu’on ne croit de baisser son empreinte carbone. 

Goodd : comment faites-vous connaître Balance Carbone ?

Cyprien de Hautecloque : nous avons participé à deux salons : Change Now et Produrable. Nous contactons aussi via des courriels ou LinkedIn, les décideurs de tous secteurs confondus : entreprises, institutions, collectivités locales, écoles ou universités... Ainsi nous nous adressons aussi bien aux personnes en activité qu’aux lycéens ou étudiants car il est important de commencer au plus tôt pour agir et décupler son impact. 

 Goodd : avez-vous appliqué le principe de sobriété lors de la conception du jeu ? 

Cyprien de Hauteclocque : nos modes de vie ont beaucoup évolué en 4 ans et c’est notre fierté : tout est fabriqué en France. Nous proposons également deux options commerciales aux clients afin de le diffuser le plus largement possible : soit la vente d’une prestation du jeu coordonnée par nos animateurs, soit une location du jeu où on propose de former un employé en amont pendant 2 heures. Ce qui permet de le partager et de le diffuser sans mobiliser inutilement des ressources. En outre, les cartes sont réactualisées dès que nécessaire. Enfin, nous proposons une version francophone et une anglophone avec les données et les chiffres d’émissions européens.

Goodd : êtes-vous heureux ?

Cyprien de Hauteclocque : très heureux. Nous exerçons chacun notre métier de designer industriel et designer artistique que nous aimons en créant des objets pédagogiques, interactifs, ludiques et à la finalité tangible. La Balance Carbone prend un bel envol. Et nous travaillons déjà à d’autres jeux sur d’autres sujets tout aussi passionnants et utiles.