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Financement participatif : « le potentiel de croissance est là et les solutions de financement de la transition se développent »

Projets autour de l’impact social et environnemental n’ont jamais été aussi nombreux. Mais le financement qui les accompagne manque encore de clarté. Les solutions proposées ne fédèrent pas encore autour d'un large mouvement qui regroupe à la fois les entreprises comme les particuliers. Transparence et union forment les deux piliers d’une vraie finance à impact. Explications par Stéphanie Rognon, la fondatrice de Human For Impact, la nouvelle génération de plateforme d’investissement à impact.

 

goodd :  vous êtes une ardente défenseuse du financement Participatif de l’impact social et environnemental. Qu’est-ce qui vous fait croire à ce type de financement plus qu’à un autre ?
Stéphanie Rognon : les citoyens, investisseurs ou simples épargnants, ont des griefs récurrents après leurs organismes de placement, banques ou assurances : manque de transparence, langage juste assez technique pour éviter toute compréhension, "le mois du blanc" etc. La confiance dans ces institutions financières traditionnelles est plus qu'entamée, en particulier lorsque, comme en ce moment, des alertes circulent sur la solidité des banques  et donc sur la sécurité de leur argent, mais aussi face à leur dédain manifeste de la cause climatique, entre autres raisons. Faute de choix, ils étaient obligés de passer par ces organismes. Aujourd’hui,ils en ont ras la casquette, veulent comprendre où passe leur argent, exigent des comptes sur la gestion de leurs épargnes, et souhaitent pouvoir faire leurs choix de placements en connaissance de cause.

De ce fait, le financement participatif leur permet de "visualiser" les entreprises bénéficiaires de leurs épargnes, car elles leur semblent plus proches, plus palpables, et les informations fournies sont plus accessibles, plus complètes aussi. Les projets financés sont détaillés, dans l'activité, dans la présentation des porteurs de projet, les lieux, les chiffres clés, le type d'investissement, etc. Le langage est moins "technique", et pourtant, les informations fournies sont bien plus étoffées que sur un fonds traditionnel. 

Cette transparence et cette accessibilité des informations sont également beaucoup plus convaincantes lorsqu'on parle de financement d'impact social et environnemental. Sans parler des scandales des fonds d'investissements "verts", qui détiennent 2000 milliards d'euros rien qu'en France, et dont on sait que près de la moitié partent financer les énergies fossiles. L'utilisation de ces fonds est tellement obscure pour la majorité d'entre nous, que lorsqu'enfin, un véhicule de placement apporte une réelle visibilité sur une entreprise bénéficiaire des fonds, qui intègre dans son modèle une réelle volonté d'agir positivement pour la transition, avec des actions concrètes et vérifiables, avec des garanties et des contreparties absolument identiques à un fonds d'investissement, le choix est enfin permis, et de plus en plus d'épargnants sont séduits. 

La courbe croissante des investissements sur les plateformes de financement participatif conforte cet état de fait, et le retour des utilisateurs est très majoritairement positif. C'est très encourageant pour les plateformes comme la nôtre, qui misons sur la sincérité des informations fournies, justifiables par des éléments de preuve, et dont l'activité repose exclusivement sur le financement de l'impact sociétal, justement.

  

goodd :  peut-on voir là une position ambitieuse, systémique et pérenne pour la planification écologique ?
Stéphanie Rognon : C'est un vœu pieux..  le financement participatif détient 2 milliards quand les fonds d'investissement en ont 1000 fois plus. Il n'empêche que le potentiel de croissance est là, et que les solutions de financement de la transition se développent. Rien qu'en France, on considère que le besoin de fonds pour financer la transition est de 40 à 60 milliards par an jusqu'en 2050.. on en est encore loin, pour autant, je suis plutôt optimiste dans le sens où le financement participatif est le seul financement à convaincre les épargnants et les investisseurs sur la qualité des projets à impact, tant d'un point de vue sociétal que financier. Mais il y a encore beaucoup de travail de fond à faire, à la fois sur l'acculturation des notions d'impact social et environnemental, avec des exemples à l'appui, mais aussi sur l'apprentissage des notions financières pour permettre à tous de placer en conscience leur argent directement sur les entreprises vertueuses, et en connaissance de cause des mauvaises pratiques de certains et de la bonne pratique des autres. Je suis convaincue que la plus grande majorité des investisseurs / épargnants choisirait la voie du financement direct s'ils étaient mieux formés et informés de ces sujets. Alors seulement, nous pourrions prétendre à cette position systémique et pérenne pour la planification écologique.  

 

  

goodd :  vous êtes sur le point de lancer un nouveau concept de financement participatif baptisé Human For Impact. En quoi votre solution est différente des acteurs du marché comme Lita ou Kiss Kiss Bank Bank ?
Stéphanie Rognon : Human for impact* est une solution d'investissement participatif exclusivement dédiée au financement de l'impact sociétal ("impact equity"). Notre conviction est que la création de richesse n'est pas que financière, même si c'est une composante à ne pas oublier, on parle bien d'investissement, mais il est nécessaire de répondre aux attentes des investisseurs en apportant la preuve d'une création de richesse autre. Nous nous efforçons d'identifier cette création de valeur (l'impact positif), sans occulter les impacts négatifs (dont certains sont rédhibitoires), dans les projets qui sont en demande de financement. 

Notre principale différence réside dans cette exclusivité du financement de l’impact sociétal positif, et dans notre capacité à évaluer, prouver, et suivre sur la durée les indicateurs d’impact au sein de la société financée, afin que la promesse d'impact ne soit pas juste un prétexte pour lever des fonds. Chaque acteur du marché a son propre ADN, ses forces, sa réputation, son propre modèle économique, et je suis convaincue que non seulement, nous sommes tous complémentaires, mais que nous nous appliquons tous pour la recherche d'un monde meilleur, qui passe par le financement direct des entreprises, par un partage équitable entre le "pouvoir et l'avoir", par la recherche de solutions innovantes en matière de finance et de nouveaux modèles économiques, pour remettre l'argent dans son rôle de flux utile versus stock mal utilisé.

 

 

 

 

goodd :  comment sélectionnez-vous vos projets ? 
Stéphanie Rognon : nous recevons les projets par recommandation, au hasard des rencontres, ou envoyés par les incubateurs, pépinières ou accélérateurs partenaires. La 1ère sélection est un document permettant d'évaluer la recevabilité du projet en termes d'impact, bien évidemment. Si le projet est recevable, alors nous effectuons un certain nombre d'analyses, sur des critères internes, en total respect avec la règlementation imposée par l'Autorité des Marchés Financiers à laquelle nous sommes soumise, telle qu'une analyse économique, financière, de marché, etc. 

Nous évaluons l'entreprise, déterminons avec le porteur de projet, quel type d'investissement est le plus pertinent, nous assurons que les contreparties proposées aux investisseurs sont acceptables et tenables, nous vérifions l'entièreté des documents contractuels et internes à l'entreprise, et nous rédigeons les due diligences financières et sociétales avec transparence et sincérité, à destination des investisseurs / épargnants.

  

goodd :  vous parlez d’un référentiel d’impact développé en interne. En quoi est-il différent de ce qui existe déjà ? 
Stéphanie Rognon :  Human For Impact » apporte dans l’écosystème de la finance participative (entrepreneur, investisseurs,) une approche inspirée, authentique, et pragmatique de la mesure d’impact positif en co-développant avec des partenaires (Business Schools, Coopératives, Centres de recherche, etc) un référentiel de mesure d’impact, permettant à la fois une évaluation, une sélection des projets et un suivi dans le temps, tout en restant ouvert aux spécificités de chaque mise en oeuvre. En effet, investir dans des projets à finalité sociétale nécessite d’élargir les 3 critères traditionnellement utilisés dans le monde du financement, pour rendre compte d’une action positive pour le monde de demain. Cette action positive est pensée dans la capacité d’un projet ou d’une entreprise à participer à l’amélioration des conditions collectives du développement humain durable (dont font partie l’éducation, la santé, la solidarité, l’environnement et la démocratie, etc.) (Gadrey, 2004).

 

Notamment, le parti pris de la plateforme est de valoriser les contributions positives des entreprises à la société. Cette vision – si elle n’exclut pas les initiatives de réduction des impacts négatifs liés à une activité – propose, toutefois, de mettre davantage en lumière les initiatives pionnières ou les innovations sociales ou environnementales permettant de contribuer à la transition. 

Notre référentiel intègre ainsi différents référentiels existants au sein de ses 4 boussoles, mais il va plus loin:

II propose de nouveaux critères liés à l'expérience des pionniers du bien commun puisqu'il a été construit avec des acteurs de changement, connus et reconnus. Il valorise ainsi des dimensions - à titre d'exemple - telles que la création de liens, le soin, l'intention des porteurs de projets, l'échelle d'impact, la cause animale, etc. 

Il est simple à comprendre et pédagogique: il est accessible à tout porteur de projet et au grand public pour caractériser ce qu'est un projet à impact sociétal;

- Il ne se focalise pas uniquement sur des engagements ou pratiques internes comme la RSE mais démontre l'utilité sociétale des projets (dans quelle mesure ceux-ci peuvent contribuer au monde de demain = impact positif.)

Il est aspirationnel, par sa dimension qualitative mais aussi graduelle par niveau, c'est-à-dire qu'il peut servir de support à faire évoluer et transformer les pratiques des porteurs de projet dans une logique de cohérence et d'intégrité.

Et il est destiné à évoluer, vivre, grâce à la contribution des entreprises financées, qui pourront suggérer des critères d'impact liés à leur activité, et ainsi, contribuer à étoffer les indicateurs existants et affiner les analyses d'impact et le reporting.

 

goodd :  donc votre référentiel d’impact peut aussi servir de feuille de route pour les professionnels et les institutions désireux de se transformer ?
Stéphanie Rognon : notre référentiel permet aux organisations qui le souhaitent de se transformer dans la recherche d'un impact positif plus grand. Il permet de travailler la cohérence et l'intégrité entre ses différentes boussoles pour construire des projets à impact sociétal, solides sur le plan de leur modèle d'affaire, mais aussi capables de valoriser simultanément l'engagement des acteurs, la création de commun et de liens sans oublier le soin du vivant. Nous portons une vision ambitieuse et engagée du monde de demain vers laquelle nous avons envie - avec entrain et enthousiasme - de stimuler les initiatives de chacun et de chacune mais aussi d'accompagner ce qui se fait de mieux dans ce domaine. Par les possibilités de cartographie qu'il offre mais aussi par son benchmark d'actions innovantes, notre référentiel peut ainsi aider tout porteur de projet, qu'il soit entrepreneur, institution publique, entreprise existante, à se transformer au service d'une société désirable et harmonieuse. C'est bien là notre challenge : initier, inciter, donner envie et des moyens à tous ceux qui veulent évoluer et participer activement à la transition.

*Lancement officiel de Human For Impact, septembre 2023

Écrit par

Gaël Clouzard

ODD N°4 : éducation de qualité
OOD N°9 : industrie, innovation et infrastructure
ODD N°12 : consommation et production responsable
ODD N°13 : mesures relatives à la lutte contre les changements climatiques