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Industrie & écologie : dans un futur qui est déjà là, la mode sera circulaire ou ringarde…

Être à la mode, c’est être dans le vent. Et être dans le vent, c’est avoir la trajectoire d’une feuille morte… Depuis que la mode est mode, cette définition lui sied à merveille. Pourtant, nous pourrions espérer que cette définition ne lui colle plus à la peau avec les enjeux écologiques et industriels de la prochaine décennie. La dernière étude de la Fédération de la Mode Circulaire accompagnée de DEFI - la Mode de France, cornaquée par Accenture, met en lumière l’appropriation des modèles opérationnels de la réparation par les marques & enseignes, et dresse un état des lieux du réemploi et du recyclage

 

ODD N°8 : travail décent et croissance économique
ODD N°9 : industrie, innovation et infrastructure
ODD N°12 : consommation et production responsable


 

L’enseignement majeur est que la circularité apparaît être la voie de transformation évidente - de par les bénéfices économiques, environnementaux et sociaux qui en découlent – et démontre un potentiel de création de valeur d’une croissance à 2 chiffres depuis plusieurs années. 

En 2023, 6,8 milliards d’euros auraient été générés en France via les modèles d’affaires circulaires que sont la réparation, le réemploi, la location et l’upcycling, soit une progression de 17% par rapport à 2022. L’étude met en lumière 50 entretiens menés auprès d’acteurs clés du secteur qui permettent d’expliquer que la circularité a été priorisée en 2023 dans le secteur de la mode en France. L’année aura, en effet, été marquée par une redynamisation de l’offre de service de la réparation, une accélération du marché du réemploi et des progrès constatés dans le domaine du recyclage. 

 

 

La Réparation trouve un second souffle 

L’ère d'obsolescence programmée s’est ringardisée, nous entrons aujourd'hui dans un nouveau paradigme de durabilité programmée, où la réparation fait figure de pierre angulaire, puisque nous allons de plus en plus nous tourner vers la réutilisation des vêtements : dès lors qu'on achète une pièce dans l'optique de la conserver très longtemps - ou de la revendre un jour en seconde main. Les stratégies et modèles opérationnels multiples mis en place par les acteurs, démontrent un potentiel de modernisation certain, notamment dans la gestion du SAV et pourraient bénéficier de l’émergence des acteurs de la tech. Ces derniers soutiennent une expérience client irréprochable et une meilleure fluidité des processus opérationnels, en s’inspirant des mécanismes de l’automobile ou encore de l’électroménager. 

Les consommateurs et les citoyens derrière commencent quant à eux à ré-adopter ce réflexe, surtout lorsque le service est attractif d’un point de vue prix, réalisé à proximité et exécuté de façon qualitative.

 

Le Réemploi passe la seconde !

2023 a été pour beaucoup l’année de l’accélération du réemploi. Densification de la distribution, démocratisation cross-génération de la consommation seconde main ou encore structuration de l’écosystème de la revalorisation : autant de mouvements qui sont venus alimenter ce verbatim enthousiasmant « le réemploi, tout le monde y va ! ». Le dynamisme de la seconde main se lit dans la performance du marché, qui a généré 5,3 milliards d’euros en 2023, soit une croissance de 18% par rapport à 2022. Cette tendance à la hausse devrait perdurer puisqu’on estime que les ventes sécurisées via ce modèle d’affaire pourraient atteindre 11,6 milliards d’euros en 2030. Et ça, ce n’est pas la trajectoire d’une feuille morte !

Deux axes de travail seront à prioriser pour porter cet essor: la désirabilité et la communication. Par ailleurs, un défi majeur sera à relever : celui de l’équilibre financier. Sur ce sujet clé, la diversification des activités, l’automatisation des opérations, la collaboration avec des spécialistes ou encore l’incitation au juste prix feront partie des pistes à explorer pour générer de la valeur et/ ou réduire les coûts associés. 

 

 

Le Recyclage en net progrès 

L’année 2023 a également été caractérisée par des progrès concrets en matière de recyclage. Le lancement de projets prometteurs sur la préparation de la matière et le recyclage enzymatique, avec la construction de la première unité industrielle en France constitue, en effet, une avancée réjouissante en faveur de la réindustrialisation de la France et de la souveraineté nationale. 

Des défaillances d’acteurs circulaires ont aussi frappé les esprits ces derniers mois et souligné que, comme pour toute transformation, le chemin vers une mode durable est parsemé de défis. Il conviendra, toutefois, de retenir en priorité l’avancée réalisée grâce à ces projets avortés et tirer les enseignements clés sur lesquels l’ensemble de l’écosystème pourra capitaliser. 

Les perspectives du marché de la mode circulaire en France sont exaltantes à l’horizon 2030, avec un potentiel de création de valeur de 14,3 milliards d’euros et de réduction d’émissions potentielles CO2e de 16% dans une logique de production et consommation raisonnée. La mode circulaire devrait également être un vecteur de croissance intéressant pour l’emploi : 35,000 emplois directs potentiellement créés ou maintenus d’ici 2030, ce qui compenserait une majeure partie des pertes subies dans l’industrie ces 10 dernières années. 

Pour convertir ces perspectives en réalité, les acteurs devront poser des actions concrètes qui répondront aux enjeux clés que sont la durabilité, la traçabilité, la rentabilité et la pédagogie. Réinventer le process créatif pour donner une part plus importante à la conception durable, investir dans des outils de traçabilité et dans des stratégies de transparence, considérer l’usage des produits comme une source de revenus à prioriser, intégrer la circularité dans tous les rouages des sociétés, se diversifier et savoir pivoter, sensibiliser et séduire le consommateur en le faisant rêver, partager données et succès : autant de tactiques à exécuter pour inscrire la circularité dans la durée. 

En parallèle, un accompagnement de la filière sera nécessaire. Des initiatives favorables à la création de synergies, au développement de labels, à la montée en compétence dans le domaine artisanal, à l’application d’une TVA circulaire et à l’incitation au juste prix seront à lancer pour soutenir la progression collective. 

Le futur de la mode sera circulaire. C’est un fait, mais il devra faire en sorte que sa désirabilité n’augmente pas ce besoin frénétique de consommer en permanence et donc de transformer une industrie circulaire en une nouvelle usine à gaz à effet de serre. Et cela passera au-delà de la transformation de la mode par la transformation des usages et des comportements pour une consommation durable et non de saison.

 

Écrit par

Eric Espinosa  

© visuel : Tim Mossholde